Nous vous présentons le témoignage de Faolan, 20 ans, un homme transgenre. Nous l'avons accompagné pour sa torsoplastie dans le cadre de son parcours de transition. Avec lucidité, il partage ses défis, de son coming out aux difficultés médicales, jusqu'à l'atteinte de ses objectifs.
« J'ai commencé à me questionner sur mon
identité de genre à quatorze ans »
identité de genre à quatorze ans »
Bonjour, je m'appelle Faolan, j'ai vingt ans. Je suis un homme transgenre, et c'est une grosse partie de mon identité, mais j'ai également d'autres choses importantes qui me représentent, dont ma passion pour l'écriture et le dessin, la sensibilisation aux droits de l'enfant, Noragami (mon manga favori), le jeu vidéo Omori, et beaucoup d'intérêts qui viennent et repartent. Je me dirige vers le métier d'animateur après plusieurs années de déscolarisation.
J'ai commencé à me questionner sur mon identité de genre à quatorze ans, et c'est à cet âge que j'ai fait mon coming out, après plusieurs mois de doutes. Pour moi, ce n'était pas évident, je ne correspondais pas aux clichés, et je ne connaissais aucune personne trans.
C'est en m'intéressant au reste de la communauté LGBTQ+, pensant être bi à l'époque, que mon parcours a commencé. Je me suis d'abord considéré comme bigenre.
Avant ma transition, je n'aimais pas vraiment mon corps, ou du moins ma poitrine. Elle était très volumineuse et ça n'aidait pas. Plus jeune, je mettais plusieurs t-shirts ou des vêtements larges pour la cacher. En revanche, j'aimais d'autres choses, comme ma voix, qui était déjà grave pré-testostérone, et ma mâchoire, qui m'a permis d'avoir un bon passing. Ma dysphorie n'était pas intense, et je n'ai jamais ressenti que c'était vital de faire une transition médicale, ce qui montre bien que la transidentité varie en fonction de chacun. C'était juste mieux pour moi, plus confortable et comme je me visualisais à l'intérieur.
Quand on me genrait au masculin par accident ou qu'on m'appelait monsieur, ça me rendait heureux, et je voulais que ce soit comme ça le reste du temps, donc j'ai voulu entamer une transition.
« Malgré de grandes difficultés familiales, je savais que mes parents étaient assez ouverts sur ce genre de sujets »
J'ai commencé par la transition sociale, en parlant de tout ça avec mes amis proches. C'est de cette manière que j'ai pu essayer de me faire appeler Faolan, qui était mon premier choix, et ça m'a plut. Mes amis l'ont bien pris, et comme je voyais que ça me correspondait, j'ai élargi à ma famille. Malgré de grandes difficultés familiales, je savais que mes parents étaient assez ouverts sur ce genre de sujets. Ils ont été très étonnés et dans le déni, m'ont dit que je resterais toujours une fille, mais ça s'est vite tassé. En revanche, j'ai subi des moqueries et des remarques de la part de ma grande sœur, qui a refusé pendant presque quatre ans de respecter mon prénom et mes pronoms. Aujourd'hui, les choses se sont arrangées. J'ai été soutenu par les professeurs et les soignants de mon soin-étude, et connu sous le prénom de Faolan par tous les autres patients.
Mes plus grands obstacles à cette étape étaient donc surtout la dysphorie liée à ma poitrine, et ne pas réussir à m'affirmer quand j'étais mégenré.
« On m'a accepté comme j'étais, et on n'a pas essayé de psychiatriser mon vécu, et c'était ce que je recherchais »
J'ai été orienté vers l'hôpital de la Pitié Salpêtrière par le psychiatre de mon soin-étude, car il avait des adresses de consultations spécialisées pour mineurs. J'étais réticent, ayant eu de très mauvais retours des équipes dites officielles. Au final, je suis tombé sur un pédopsychiatre très à l'écoute et informé, qui a mis à l'aise mes parents, et qui a pu me mettre en lien avec un service d'endocrinologie. Malheureusement, mes parents étant opposés à une prise d'hormones avant ma majorité, nous ne faisions que discuter, et il est parti dans un autre pays soudainement. Le service d'endocrinologie exigeait d'avoir un psychiatre "spécialisé" et ça a bloqué toute prise en charge.
Une fois majeur, je me suis dirigé vers l'association Fransgenre, et j'ai pu avoir accès à une carte de praticiens safe. C'est comme ça que j'ai trouvé mon endocrinologue et mon chirurgien. On m'a accepté comme j'étais, et on n'a pas essayé de psychiatriser mon vécu, et c'était ce que je recherchais.
J'ai quand même fait face à des problèmes avec des soignants que je ne consultais pas pour ça. Mon ancienne psychiatre faisait constamment des commentaires sur mon genre, alors que je ne lui en parlais même pas, ne considérant pas ça comme un souci. Elle disait "est-ce que c'est Faolan ou ancien prénom que j'ai aujourd'hui ?" "les hommes ne portent pas de boucles d'oreille" "vous détestez votre famille parce qu'ils vous ont fait fille" ou "vous êtes un troisième sexe." Elle a affirmé que c'était son opinion et qu'elle avait le droit de dire ce qu'elle voulait quand je lui ai demandé d'arrêter. Dans mon hôpital de jour, la transidentité faisait "débat" dans l'unité, et le psychiatre me mégenrait pour ne pas faire la promotion de la transidentité, pour "rester neutre." Mes amis trans de là-bas se sont vus refuser d'utiliser leur prénom choisi, et de 2022 à 2024, mon ancien prénom, changé à l'état civil, est resté sur leur logiciel, ce qui créait des ennuis avec les taxis.
« Depuis enfant, même sans connaître les opérations du torse, je voulais que ma poitrine parte »
Depuis enfant, même sans connaître les opérations du torse, je voulais que ma poitrine parte, donc dès mon coming out, j'ai su que c'était cette étape qui me donnait le plus envie. J'ai noté différents chirurgiens de la carte de Fransgenre, avec des critères adaptés à ce que je souhaitais. Je ne souhaitais pas conserver mes aréoles, et il fallait un chirurgien qui accepte de faire un résultat moins classique. Le docteur Vairinho ayant évoqué cette option sur son site, ça a joué dans mon choix de le rencontrer.
Le jour de l'opération, j'étais calme. Je pensais être très excité, mais j'avais l'impression que c'était presque un jour ordinaire. Je pense que c'était parce que j'avais encore du mal à réaliser. C'était la première opération de toute ma vie, mais je n'étais pas du tout stressé. J'ai eu ce sentiment d'apaisement aussi une fois réveillé.
Quand j'ai vu mon torse pour la première fois, j'étais heureux, mais ça m'a aussi fait bizarre de me voir tout plat. Le rendu me plaisait, même si j'ai eu peu de temps pour le voir.
Je me présente et je suis perçu comme je le voulais.
Je me présente et je suis perçu comme je le voulais.
Aujourd'hui, je suis content de mon torse et je ne regrette pas du tout mon opération. La torsoplastie m'a fait du bien, et en dehors de cette opération, en plus général, je suis satisfait de ma transition. Je me présente et je suis perçu comme je le voulais, et bien qu'être transgenre ne m'apportait pas de grand mal-être, et que je l'ai toujours séparé de mes troubles psychiatriques, ma transition m'a apporté de la stabilité sur mon humeur, sur ma vie quotidienne. Les hormones ont joué un grand rôle, et le changement de la mention de sexe à l'état civil aussi. Je n'ai plus besoin de me justifier et de m'exposer à de la possible transphobie dans la vie de tous les jours.
Je n'ai rien de prévu pour le reste de ma transition, je pense avoir atteint ce que je souhaitais, mais ma réflexion peut changer et je reste ouvert à de nouvelles possibilités !
« La société doit comprendre qu'il n'existe pas une seule manière d'être transgenre »
Si je pouvais parler à la personne que j'étais avant ma transition, je lui dirais que même si ça semble très loin et uniquement dans sa tête, ce qu'elle désire se réalisera un jour, et qu'on peut être très fiers de notre parcours.
Pour les personnes qui hésitent à entamer une transition, j'aimerais leur dire qu'elles ont le droit de se questionner, qu'elles peuvent essayer, on voit souvent la transition comme quelque chose de fixe, mais elle évolue constamment, et ce n'est pas mal d'expérimenter, ça ne fait pas de nous des personnes indécises ou qui suivent une soit disant mode. Et qu'elles sont légitimes, peu importe où elles se trouvent.
La société doit comprendre qu'il n'existe pas une seule manière d'être transgenre, qu'il n'y a pas des personnes plus acceptables que d'autres. Elle doit aussi remettre en question le "danger" ou le "lobby" que les personnes trans représentent. Plus la parole se libère pour nous et plus on observe une montée de haine. Que ce soit par le rejet ou par des sortes de fantasmes qu'on projette sur nous, on ne nous laisse jamais tranquille. Trop de gens oublient qu'en laissant les critiques toucher les personnes trans parce qu'elles sont "trop extrêmes", ils sont les prochains visés.
J'ai transitionné et ça m'a permis d'être moi-même, de me rendre compte de ce que je pouvais faire, de ce que j'aimais, et ça m'a fait réfléchir sur pleins d'autres aspects de mon identité. On nous dit souvent qu'on va regretter, mais ce n'est que très rarement le cas, et lorsque ça arrive, c'est presque toujours à cause des effets de la transphobie. J'ai l'impression d'être bien plus au clair dans ma vie et dans qui je suis que les personnes qui disent ces phrases, et ça peu importe si elles y croient ou non.
C'est aussi ça, une transition.
Faolan, Novembre 2025
